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Mag A l'histoire vraie
4 octobre 2013

Un jour sombre

Il n'y a plus d'espoir. Les coeurs sont lourds, les yeux gonflés de larmes. Un étau serre les frêles poitrines, les ailes sont en berne. Aucune malice sur les visages, tous graves. Un silence de plomb règne. Même le vent s'est tu, aucun oiseau ne chante, la plupart des animaux ont déserté le lieu, par besoin de fuir l'ambiance oppressante, ou par respect pour la douleur des fées. Une épreuve les terrasse. La perte d'un être cher.

Elles sont toutes en rond, les mignonnes. Elles se tiennent la main, comme pour se raccrocher à quelque chose de tangible, pour ne pas sombrer complètement dans le désespoir. Les fées sont des êtres immortels. Elles ne vieillissent pas. Ne tombent pas malades. Même si ce sont des êtres gourmands, elles n'ont pas besoin de manger pour vivre. Elles ne craignent ni le froid ni le chaud. Le feu ne les brûle pas, la glace ne les saisit pas. Si elles tombent, elles se relèvent toujours, sans blessure. Elles ne meurent jamais. Sauf si on les tue.

Mais qui voudrait tuer une fée ? Qui, puisque personne ne peut, ne veut les voir ? Pourtant, au centre du petit cercle c'est bien une fée sans vie qui repose sur le sol. Ses compagnes sont sonnées. Aucune d'entre elles n'a jamais vu mourir l'une des leur. Elles ne savent que faire, que dire. Elles sont sous le choc.

Soudain, toutes tournent la tête dans la même direction, attirées par un bruit étrange, une sorte de musique très douce, un tintement clair, comme une cloche de cristal. Surgit de nulle part, un vieux personnage, mesurant presque le double des minuscules fées, s'approche lentement du petit groupe, le visage grave. Il porte une longue barbe gris argentée, et est vêtu d'une longue robe vert émeraude. Des chuchotements s'élèvent du groupe. Deux mains se dénouent, rompant le cercle fait autour du petit cadavre. Le vieil homme s'approche encore, et s'agenouille au dessus de la délicate fée aux yeux fermés, qu'on pourrait croire endormie. Sans un mot, il se met à souffler doucement sur elle. Il se passe alors un phénomène étrange. De minuscules étoiles s'élèvent en tourbillonnant lentement, venant du petit corps, qui s'efface peu à peu, transformé en poussière d'étoile luminescente. Une légère brise se met alors à souffler, dispersant les cendres tout autour des fées abasourdies. Bientôt, il ne reste plus rien de leur amie, qu'un peu de poussière tournoyant dans les rares rayons de soleil.

Le vieil homme se redresse, et se tourne vers les fées rassemblées les unes contre les autres, et prend la parole, d'une voie grave et forte : 

- "Ce qui a eu lieu aujourd'hui est un drame insupportable." Quelques sanglots se font entendre parmi la petite assemblée. "C'est aussi le signal que j'aurais voulu ne jamais avoir. La guère est déclarée, bien plus tôt que je ne m'y attendais. Ce crime épouvantable ouvre une ère nouvelle, une ère sombre. Maintenant mes amis, j'ai besoin de vous, de vous tous, dans un combat qui s'annonce long et difficile. Les hommes ont perdu la tête, et nous devons tout mettre en oeuvre pour qu'ils ne détruisent pas complètement notre planète bien-aimée." Un murmure étonné et inquiet se fait entendre parmi le petit rassemblement. Le vieil homme poursuit : "Ezaël a déjà trouvé une faille pour avancer dans notre lutte contre cet ennemi invisible." D'une main, il invite un petit homme d'allure juvénile à s'expliquer. Ezaël avance d'un pas, le visage marqué par la peine, et prend la parole, d'une voix forte mais légèrement tremblante : "j'ai trouvé la Clé, et la Porte." Quelques exclamations de surprise s'échappent. "Ce n'est pas tout, poursuit Ezaël. Je crois aussi avoir trouvé qui peut franchir la porte. Il s'agit d'une enfant. Elle s'appelle Emilie, et a vu l'Arbre. Elle est entrée dans notre monde, grâce à la Clé. Elle l'a regardé avec son coeur."

Cette fois-ci les fées s'agitent, quelques voix s'élèvent, dans un brouhaha. "Comment as-tu fait ? Peux-tu le refaire ? Que se passe-t-il vraiment ? Comment combattre un ennemi que nous ne connaissons pas ? Nous devons en savoir plus ! Que devons-nous faire ? L'une des nôtres est morte ! Nous devons agir !" Ces nouvelles surprenantes ont ramené un peu de combativité dans le coeur des fées. Elles sont indignées après ce qui est arrivée à leur petite compagne. Le vieil homme reprend la parole en élevant encore la voix pour ramener le calme, pendant qu'Ezaël reprend sa place dans le groupe. "Mes amis, ne nous précipitons pas. La colère est mauvaise conseillère. Il n'est pas encore l'heure de combattre, nous manquons de préparation. Je vous propose de retourner à vos occupations, pendant qu'avec le Conseil, nous décidons de la marche à suivre. La stupeur s'empare de la petite cohorte. Attendre ? Faire comme si rien n'avait changé ? Impossible ! D'une voix calme, le Sage apaise ses ouailles. Il parvient en peu de mots à leur faire entendre raison, et après avoir promis qu'il reviendrait très bientôt leur en dire plus, il s'éloigne avant de disparaître par enchantement, dans le même son étincelant qu'à son arrivée. Dans la petite troupe le silence est revenu, chacun ressassant les derniers instants qu'ils viennent de vivre, et se remémorant leur petite camarade à qui on a ôté la vie. Au bout de quelques minutes, une fée parle : "nous devons continuer, comme le sage nous l'a dit". Chacun sait ce qu'elle a voulu dire, et approuve d'un hochement de tête. Une par une, les fées s'envolent dans des directions différentes et avec les paroles du Sage, dans les derniers rayons du coucher de soleil. L'automne a commencé, il faut maintenant préparer l'hiver.

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  • Des contes... Sans queue ni tête, ces récits nés de mon imagination, entre éveil et sommeil, quand on ne contrôle plus le fil de nos pensées, mais qu'il ne s'agit pas encore tout à fait de rêves...
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