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Mag A l'histoire vraie
12 septembre 2013

Au retour de l'école...

Emilie rentre de l'école sous une pluie fine et fraîche. Cette année, sa maman la laisse faire le trajet seule, et lui a remis un trousseau de clés, comportant la clé magnétique de la porte du hall d'entrée, et la clé de leur petit appartement du 2e étage. Emilie est fière de cette nouvelle responsabilité que lui a confiée sa maman, et elle prend bien soin de ne pas égarer le précieux trousseau, qu'elle a attaché au fond de sa poche grâce à un ingénieux système cousu par sa grand-mère. Elle le tient bien serré dans sa main également. Arrivée devant la porte d'entrée du petit immeuble modeste aux façades ternes, elle s'applique à détacher le trousseau du mousqueton qui le retient. Ses doigts sont légèrement engourdis par le froid et le trousseau lui échappe et tombe avec fracas sur le trottoir mouillé, juste en dessous du petit rebord formé par la contremarche de ciment à l'entrée. Emilie s'accroupit et, au moment de tendre la main pour récupérer sa petite clé métallique et brillante, elle aperçoit, au fond, une autre clé, bien plus grosse. Elle la ramasse en même temps que la sienne, et l'examine. Il s'agit d'une de ces clés anciennes, immense et lourde. Elle est finement ouvragée, une inscription semble gravée dessus, dans un alphabet que la fillette ne connait pas, elle ne parvient pas à la déchiffrer. La clé est tiède, dans sa main. Elle est ternie par le temps et l'usure, et pourtant elle semble briller. Emilie fronce les sourcils. Elle n'avait jamais vu ça auparavant. Elle décide de la glisser dans sa poche pour la montrer à sa maman, ou peut-être à son institutrice. Elle sait tellement de choses, Madame Elsa, elle saura sûrement déchiffrer les mots écrits sur la clé.

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Ravie de sa trouvaille, Emilie approche la clé magnétique de la serrure, et découvre avec surprise, qu'une autre serrure est apparue juste en dessous. Son aspect lui rappelle celui de la clé qu'elle vient de trouver au sol. Emilie ne se pose guère plus de questions, et ressort la lourde clé de sa poche. Son idée est juste, la clé entre parfaitement dans la serrure nouvellement apparue. Après une légère hésitation, la fillette tourne la clé jusqu'à entendre le bruit caractéristique d'une clenche qui se déverrouille. Il se passe alors un phénomène curieux. La petite porte en fer grise et rouillée change d'apparence. Elle grandit, grossit, change de couleur, tout cela sans un bruit et surtout sans que personne alentours ne remarque rien. Les gens continuent de marcher sur le trottoir, tête baissée, les yeux rivés au sol, un parapluie fermement tenu à la main, et au pas de course. Les voitures continuent de circuler sur la chaussée, au rythme du feu tricolore qui marque la fin de la rue où habitent la fillette et sa maman. Emilie se trouve à présent devant une immense porte en chêne sombre, et la poignée en aluminium a fait place à une poignée ronde en bronze finement ouvragé elle aussi, dans un style identique à celui de la clé et de la serrure. Emilie est un peu plus hésitante. Doit-elle franchir cette porte inconnue ? Oh et puis finalement, elle est chez elle, non ? C'est l'immeuble où elle vit ! Elle prend une profonde inspiration, pose délicatement les doigts sur la poignée, tiède elle aussi, avant de la tourner, et de pousser la lourde porte, qui s'ouvre dans un grincement sinistre. Qu'importe, Emilie n'a pas peur. Elle pénètre dans un hall d'entrée minuscule, sombre et poussiéreux. Comment une aussi grande porte peut-elle cacher une aussi petite entrée ? La lumière fade qui éclaire la pièce aux dimensions réduites semble venir de nulle part. L'endroit est triste et froid. Il n'y a aucune autre porte que celle de l'entrée qui s'est refermée derrière Emilie, avec le même grincement qu'à son ouverture. Seul un escalier étroit, sur la gauche, lui permet de quitter le hall d'entrée. Emilie se décide donc à l'emprunter. Chacune des marches de bois craque sous ses pas pourtant légers. Quelques araignées dérangées dans le tissage de leur toile fuient à l'approche de la fillette, qui arrive très vite au pallier du premier étage. Il n'y a qu'une porte, entrouverte. La jeune fille entre dans un appartement complètement vide, aux murs nus et aux fenêtres tellement sales qu'elles en sont aveugles. La même lumière fade que dans le hall d'entrée éclaire les lieux, Emilie en fait rapidement le tour, il n'y a rien d'intéressant. Elle ressort donc et reprend son ascension vers l'étage supérieur par le même escalier qui craque, comme s'il se plaignait de cette visite intrusive.

Sur le second pallier, là encore il n'y a qu'une porte, fermée cette fois. Emilie tourne la clenche, la porte n'est pas verrouillée et la fillette la pousse doucement, pour découvrir un spectacle époustouflant. L'appartement est immense. On le croirait éclairé directement par le soleil, tellement les pièces sont lumineuses. Mais, plus que la lumière, c'est la végétation qui éblouit Emilie. Sur le parquet parfaitement ciré, quelques touffes d'herbes poussent ici et là, entre les lattes. Des plantes en pots ont débordé et se sont étalées partout. Des vignes, du lierre, du chèvrefeuille, du liseron partent à l'assaut des murs d'un blanc éclatant ; des fougères ont colonisé une partie du salon, mais surtout un arbre immense et majestueux occupe le centre de l'appartement. Au dessus de lui, le plafond est ouvert pour laisser passer ses branches chargées d'un feuillage frémissant, colonisées par des oiseaux chanteurs. Un escalier tourne autour de son tronc vers le sommet, mais une petite barrière, avec un simple panneau "Interdit" en empêche l'accès. Respectueuse, Emilie n'enfreint pas l'interdiction et contourne le tronc imposant. Elle n'en croit pas ses yeux, partout où elle regarde, elle y voit une source d'émerveillement. Des fleurs au parfum frais et discret, et aux couleurs éclatantes, des papillons chatoyants, des oiseaux multicolores aux chants mélodieux... Chaque pièce lui réserve de nouvelles surprises. Dans la cuisine, elle découvre une fontaine en marbre d'où jaillit une eau claire et fraîche, à laquelle elle s'abreuve avec délice. Une jolie grenouille verte la regarde avec stupeur, avant de pousser un coassement sonore qui résonne entre les murs, et de sauter d'un seul bond, dans une petite mare créée par un enfoncement du carrelage en damier noir et blanc. Emilie poursuit sa visite dans les chambres, où des matelas de mousse d'un vert sombre et épaisse appellent au repos. Un hibou est perché sur le rebord d'une fenêtre et ouvre mollement un oeil indifférent au passage de la fillette qui continue sa visite, et dont l'étonnement et le plaisir se lisent sur le visage. Elle ne sait plus si elle est dedans ou dehors. Tout se mêle, les murs sont faits de béton et de barrières végétales, les sols sont en parquet ou en gravillons, en carrelage ou en humus, le plafond est fait de plâtre et de nuages ... Elle croit même sentir le souffle d'une brise légère sur son visage où s'accroche un sourire émerveillé. Il y a tellement à voir dans l'appartement qu'elle ne songe même pas à jeter un oeil par la fenêtre. Pour quoi faire ? Tout est tellement parfait ici !

Bientôt, elle a fait le tour du propriétaire et se retrouve devant la porte d'entrée. A contre-coeur, en songeant à sa maman qui l'attend, et qui s'inquiète probablement, elle quitte l'appartement, se promettant d'y revenir très vite. Sur le pallier, elle retrouve la poussière, la semi-obscurité, et le calme un peu lugubre. L'escalier a disparu. A la place, il y a une porte d'ascenseur qui s'ouvre dans un chuintement léger lorsque la fillette s'approche. Sitôt qu'elle entre dans la cabine, les portes se referment. Les parois sont parfaitement lisses, aucun bouton ne permet à Emilie de choisir sa destination. L'ascenseur se met en mouvement. Privée de repères, Emilie a du mal à sentir si elle monte ou elle descend. Rapidement, la cabine s'immobilise et la porte s'ouvre dans le même bourdonnement. En deux pas, Emilie est sortie de l'ascenseur, et découvre qu'elle est de retour dans le minuscule hall d'entrée. Sur sa droite, l'immense porte de chêne qui donne sur la rue est fermée. Emilie se dirige vers elle, pose la main sur la poignée de bronze, et se retourne pour regarder une dernière fois ce curieux hall. La porte de l'ascenseur a disparu. A la place, il y a un mur recouvert d'un vieux papier peint terni aux motifs floraux. Emilie tire la lourde porte, et retrouve la rue qu'elle connait si bien, sous la pluie fine. Les mêmes gens pressées et tristes marchent dans la rue, les mêmes voitures circulent, les mêmes pigeons sous le porche de l'immeuble en face picorent les miettes de pain jetées par une vieille dame. Il faut à Emilie quelques secondes pour retrouver ses esprits, après ce fabuleux voyage hors du temps, hors du monde. Elle fait quelques pas sur le trottoir. Elle a envie de crier aux passants qu'elle vient de visiter un endroit extraordinaire, elle voudrait le montrer à sa maman, à sa grand-mère, à Madame Elsa, à ses amis. Elle revient sur ses pas et se retrouve devant la petite porte grise de son immeuble aux façades ternes. L'immense porte de chêne a disparu. Perplexe, Emilie ouvre avec sa petite clé magnétique. Pendant qu'elle monte les escaliers larges et carrelés auxquelle elle est habituée, qu'elle connaît par coeur, éclairés par la lumière artificielle des néons, elle se demande si elle n'a pas rêvé toute cette histoire. Une porte qui se transforme en une autre, un appartement-clairière, un ascenseur qui apparaît et disparaît.... Finalement, elle gardera le secret sur ce qu'elle vient de vivre. Ce sera son jardin à elle, elle pourra s'y réfugier quand elle se disputera avec sa copine Marie, ou quand sa maman la grondera. Oui, c'est décidé, elle ne dira rien à personne ! Elle sait qu'elle aura l'occasion d'y retourner. De sa main gauche, elle sert très fort la clé de son petit paradis, cachée au fond de sa poche, un sourire accroché aux lèvres. 

Loin, très loin de là, à l'orée d'une forêt, Ezaël est fatigué, et doit se reposer. Il trouve, dans le creux d'un arbre, un nid abandonné par les oiseaux qui l'ont construit. Il s'y installe, replie ses ailes légères, et savoure quelques groseilles, qu'il a trempées dans le miel d'une ruche voisine. Il est satisfait et fier de lui. Il a enfin trouvé la Clé, et comment faire franchir la Porte à un humain. Il sait même à présent qui le fera. Cette fillette humaine a réussi une fois, elle réussira de nouveau, Ezaël en est sûr. Il a hâte d'annoncer la bonne nouvelle à son peuple, lors du Grand Rassemblement. Il ne doit rien dire avant. Il se passe des choses étranges en ce moment, la tâche des fées est rendue compliquée ces derniers temps par une force inconnue. Il espère que le Grand Rassemblement permettra de lever des voiles. Que les fées sauront enfin quel est l'ennemi à combattre. Un changement s'annonce, tous les habitants de Gaïa le sentent. Ezaël et Emilie s'endorment en même temps, rêvant tous deux de l'appartement enchanteur, de la Porte. 

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  • Des contes... Sans queue ni tête, ces récits nés de mon imagination, entre éveil et sommeil, quand on ne contrôle plus le fil de nos pensées, mais qu'il ne s'agit pas encore tout à fait de rêves...
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