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Mag A l'histoire vraie

10 septembre 2013

Introduction

Moi, c'est Mag. Dans ce monde un peu fou, un peu triste, un peu terne, je m'ennuie. Alors pour me distraire, je rêve. Tu sais, ces moments, quand tu vas t'endormir, où tu ne contrôles plus vraiment le fil de tes pensées, mais où ce ne sont pas encore...
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9 décembre 2016

Enfin de retour

C'est une de ces belles et froides journées d'hiver. Le ciel s'est paré d'une teinte bleu glacé.

Emilie, chaudement couverte, marche, ou plutôt, flâne dans la forêt, soufflant par la bouche une épaisse buée blanche. Elle admire les rayons de soleil jouant dans les branches nues des arbres, qui ont perdu leurs feuilles voilà déjà plusieurs mois. La forêt regorge de bruissements d'ailes, de chants d'oiseaux et de craquements de branches, et le bruit grinçant des pas de la jeune fille sur le sol gelé ajoute à cette joyeuse cacophonie. Quelques sapins, toujours couverts de leurs sombres épines, se tiennent dressés çà et là, fiers et altiers.

- Emilie !

La jeune fille sursaute. Qui peut bien l'appeler, alors qu'elle est seule, au beau milieu de la forêt ? La voix, legère et cristalline, lui est inconnue. Quelques rires éclatent comme des bulles de savonl, et d'autres voix se joignent à la première :

- Emilie ! Emilie ! Viens nous voir ! Retrouve-nous !

Emilie s'est immobilisée, et tourne sur elle-même pour déterminer l'origine de ces appels, mais ils semblent venir de partout à la fois Elle tente de répondre.

- Qui êtes-vous ? Montrez-vous ! Oh Hé ! Où êtes-vous ?

Le vertige la gagne, pendant que les voix changent, devenant moins légères, se teintant de peur.

- Emilie ! Retrouve-nous ! Emilie ! On a besoin de toi !

Les rires joyeux se sont tus à présent, et un autre éclat de rire, glaçant celui-la, se fait entendre. Une voix etouffée et grinçante qui murmure "trop taaaard !" et se prolonge dans un rire diabolique.

Des sanglots ont remplacé les voix rieuses, les chants des oiseaux se sont éteints, hormis le croassement d'une corneille au loin, à moins que ce fut le rire d'une sorcière ?

Les craquements sont devenus sinistres, une brume épaisse s'infiltre entre les arbres, rendant la visibilité mauvaise.

Emilie ne reconnait pas les lieux, elle n'est pas sûre de la direction à prendre pour s'enfuir et rentrer chez elle. Le chemin semble s'effacer petit à petit, tant le brouillard devient consistant.

Paralysée, le souffle court, les mains engourdies par le froid et l'humidité, elle manque de tomber à genoux. Mais, se ressaisissant, et rassemblant tout son courage, elle s'élance dans la direction qui lui semble être la bonne, et court de toutes ses forces en espérant sortir de la forêt au plus vite. L'air glacé déchire ses poumons, et alors qu'elle veut appeler à l'aide, aucun son ne sort de sa bouche. Elle s'aperçoit soudain qu'elle court sur place, comme si elle était sur un tapis roulant. Des larmes jaillissent de ses yeux, elle est terrifiée et veut rentrer chez elle, retrouver la chaleur de son foyer, le confort de l'énorme canapé moelleux devant la cheminée, la douceur de sa maman. Mais elle reste désespérément sur place.

Tout à coup, une ombre immense tournoie au dessus d'elle avant de plonger. Terrifiée, Emilie se jette à terre en protégeant sa tête avec ses bras.

C'est à ce moment-là qu'elle se réveille en sursaut, haletant et le front en sueur. Il lui faut quelques secondes pour reprendre ses esprits. Elle est chez elle, dans son lit. Ce cauchemar lui a semblé si réel !

Elle allume sa lampe de chevet et regarde autour d'elle. La pièce est telle qu'elle l'avait laissée en allant se coucher. Elle se lève et va dans la cuisine pour se servir un verre d'eau, qu'elle boit d'une traite. Tout est sombre et silencieux dans la maison, sa mère est couchée.

Emilie regagne sa chambre et se blottit sous la couette, les souvenirs de cet affreux rêve encore bien présents dans son esprit, elle n'ose pas éteindre tout de suite. Elle essaye de penser à autre chose, à la journée d'école qui l'attend demain, au devoir de français qu'elle n'a pas encore fait et qu'il lui faudra rendre à la fin de la semaine. Cela la fait se décider à finir le livre qu'elle doit lire dans le cadre de ce devoir et, chassant la couette, elle se relève et s'approche du bureau à la recherche du fameux ouvrage. Elle laisse trainer son regard sur une boîte qu'elle a retrouvée l'après-midi même au fond d'une étagère de son armoire, et ouverte pour y redécouvrir les trésors qu'elle avait cachés là quelques années plus tôt. Que des vieilleries sans intérêt, mais qu'elle avait à coeur de conserver. Elle a même demandé à sa mère ce que pouvait bien ouvrir cette grosse clé ancienne, et d'où elle venait, mais celle-ci a déclaré ne l'avoir jamais vue auparavant et n'avoir aucune idée de sa provenance ni de son utilité. Emilie l'avait donc remise dans sa boite qui, depuis, était restée ouverte au milieu du bureau.

La jeune fille retrouve le livre sous un cahier de mathématiques, et retourne sous la couette, ouvrant à la page 147, déplorant qu'il lui en reste encore autant à lire,tant elle trouve ce livre ennuyeux. Tellement ennuyeux qu'elle s'endort à la page 161, sa lampe de chevet restée allumée.

Si elle l'avait éteinte avant de dormir, elle se serait peut-être interrogée sur la faible source de lumière qui émane de sa boîte à trésors, et plus précisément de cette fameuse clé, qui irradie d'un doux éclat bleuté, légèrement vacillant.

Ezaël se gratte la tête. C'est de plus en plus difficile d'entrer en contact avec Emilie. Et voilà que maintenant, le sorcier s'invite même dans ses songes pour rompre le lien ténu qui existe entre Emilie et l'univers d'Ezaël. Il va devoir trouver un autre moyen, quitte à transgresser quelques règles. Où point où ils en sont de toute façon...

29 septembre 2014

La petite boutique

Ezaël, à force de persévérence, a retrouvé Emilie. Il s'est passé beaucoup de temps depuis la visite de la petite fille dans ce curieux immeuble. Elle a grandi, elle est devenue une jeune fille d'une quinzaine d'années maintenant. Elle et sa maman ont déménagé dans les mois qui ont suivi le voyage de la fillette dans ce curieux immeuble, elle n'a jamais eu l'occasion d'y retourner, elle a même oublié. La clé est rangée dans une vieille boîte à bijoux qu'elle n'ouvre jamais, et où elle a caché tous ses trésors d'enfance : une fleur séchée, une bague en plastique offerte par sa copine, une barrette qui lui vient de sa grand-mère, une photo de son papa, un pin's publicitaire de sa pizzéria préférée, une carte d'une princesse, un mot de son ancienne institutrice, et d'autres bricoles sans grande valeur. 

Ezaël la suit discrètement dans la rue. Il ne mesure que quelques centimètres de hauteur, et il vole au dessus de la tête des rares passants. Il ne risque pas de se faire repérer, ainsi... Emilie est contrariée. Elle marche d'un pas vif dans les petites ruelles étroites du bourg qu'elle habite, les mains enfoncées dans les poches, sans but précis, et sans imaginer une seule seconde qu'elle est suivie. Elle s'est encore fâchée avec sa mère, qui refuse qu'elle sorte au cinéma samedi soir avec ses amis, sous prétexte qu'elle est déjà sortie le week end d'avant. Emilie a peu d'amis, elle voulait s'intégrer. Ca ne sera pas encore pour cette fois-ci...

La pluie se met à tomber brutalement. La jeune fille est prise au dépourvu, lorsqu'elle voit, sur sa droite, sous un porche, la porte sombre d'une petite boutique qui semble ouverte. Elle n'a pas le temps d'en lire le nom écrit en lettres anciennes sur la devanture, elle pousse la porte qui actionne une petite cloche au tintement cristallin et s'ouvre dans un shuintement, et elle pénètre dans les lieux. Aussitôt, une douce chaleur l'envahit. L'endroit est obscur, sans être sinistre. La lumière diffuse semble ne venir de nulle part. La boutique est petite, mais chargée. Des bijoux anciens, des statuettes représentant des animaux ou des divinités, des amulettes diverses, des parchemins, des peintures, des pendules, des meubles venus tout droit d'une autre époque emplissent chaque recoin de la pièce. Une odeur de bois, d'herbe coupée, d'humidité et d'encens emplit les lieux. Emilie est intriguée, et déambule lentement entre les différents éléments du mobilier. Elle passe devant un buffet sur lequel sont posées de nombreuses pierres précieuses et semi-précieuses, dont certaines semblent briller de l'intérieur. Au fond de la boutique, derrière un comptoir d'un autre âge, un vieil homme se tient assis, tirant sur une pipe dont l'odeur un peu âcre parvient jusqu'aux narines frémissantes de la jeune fille. Il n'y a personne d'autre dans la boutique, qui ne semble pas avoir vu de visiteur depuis des lustres. L'homme est immobile, ses paupières sont mi-closes il ne jette même pas un coup d'oeil à cette cliente potentielle. Emilie lui lance un "bonjour" à peine audible, qui se perd dans le silence pesant qui règne.

La jeune fille se dirige vers un coin de la boutique où sont rassemblés de nombreux livres, qui semblent entassés sur les étagères sans aucune logique, et qui couvrent de nombreux thèmes. Elle en aperçoit quelques uns sur le jardinage, sur l'univers, l'astrologie, , la cuisine, les pierres, les plantes médicinales, les dragons, les contes pour enfants, les médecines chinoises, la chimie... Certains paraissent neufs, leur couverture plastifiée brille. D'autres semblent attendre là depuis des décennies, couverts d'une poussière fine, leur couverture cornée, des pages pliées. Mue par une volonté extérieure, Emilie déplace un lourd ouvrage sur la numérologie, sans même prendre la peine d'y jeter un oeil. En dessous, elle découvre un petit livre à la couverture noire et souple, dont le titre écrit en lettres manuscrites à l'encre dorée l'interpelle : "Le Petit Livre des Fées". En dessous de ce titre, une signature. La sienne : "Emilie". La curiosité l'emporte, et elle ouvre le livre pour le feuilleter rapidement. Quelques textes, toujours en écriture manuscrite, des photos de plantes, de pierres, de constellations, d'animaux mythiques... Et beaucoup de pages blanches. Bien qu'elle n'a aucune intention de l'acheter, d'ailleurs elle n'a même pas de monnaie sur elle, la jeune fille cherche le prix de ce carnet, en vain.

-"Pour toi il est gratuit"

La voix, toute proche et rocailleuse, fait sursauter Emilie. Le vieil homme se tient à quelques centimètres d'elle, envoyant la fumée de sa pipe dans sa direction. Elle ne l'a même pas entendu se déplacer. La fumée la fait toussoter. Elle parvient à murmurer "co-comment ?". Le vieil homme répète les mêmes mots, exactement sur le même ton. "Pour toi il est gratuit". Emilie ne parvient pas à prononcer un autre mot, elle se contente de hocher la tête en guise de remerciement en serrant le livre contre sa poitrine. Elle esquisse un pas en arrière pour s'éloigner de la fumée et du vieil homme, et fait demi-tour.

Elle souhaite quitter la boutique, mais ses pas la guident vers le buffet des pierres. Il y a un tiroir, que la jeune fille ouvre presque malgré elle, en tirant sur le bouton de bronze en forme de tête de dragon. Le tiroir résiste un peu, mais s'ouvre dans un grincement sinistre qui résonne entre les murs chargés de poussières et de babioles. Emilie découvre au fond du tiroir de nombreuses autres pierres, de toutes les couleurs, de toutes les tailles, quelques bouts parchemins, et des pièces de monnaie datant de l'Antiquité. Encore une fois, sans savoir ce qu'elle fait vraiment, elle tend la main vers un tas de pierres, fouille, et elle en choisit une. Une pierre grise et terne, assez banale en apparence. C'est loin d'être la plus jolie. Mais en la regardant de plus près, Emilie aperçoit des cercles dessinés en relief. Elle la sent vibrer très légèrement dans sa main. Elle a très envie de la serrer fort, de la garder pour toujours.

Prise d'une curieuse intuition, elle ouvre le petit carnet dont le vieil homme lui a fait cadeau, à une page au hasard. Avec surprise, elle découvre sur la page de gauche, la photo de la pierre qu'elle tient dans sa main. Tout est rigoureusement identique : la couleur, la forme, les dessins des cercles à la surface. Sur la page de roite, il est indiqué qu'il s'agit d'une pierre des fées. S'ensuit une brève explication sur la formation de cette pierre et son rôle. Elle n'a pas le temps de lire, que la voix du vieil homme résonne encore une fois tout près d'elle, et Emilie sursaute à nouveau.

-"Elle ne te coûtera que la pièce que tu as au fond de ta poche". Etonnée, Emilie pose la pierre et le carnet  sur le meuble, et fouille ses poches. Dans l'une d'entre elle, elle découvre effectivement une pièce en argent, qu'elle n'a jamais vue auparavant. Elle la laisse tomber dans la main ridée et noueuse que lui tend le vieil homme, qui la remercie d'un grognement accompagné d'un hochement de tête. Il referme lentement la main, et quand il l'ouvre à nouveau, la mystérieuse pièce a disparu. Emilie soupire. Elle n'est plus à une bizarrerie près. Elle reprend ses biens qu'elle glisse rapidement dans son sac d'école et se dirige d'un pas pressé vers la sortie, sans un mot.

Dehors, la pluie a cessé de tomber, et fait place à quelques timides rayons de soleil se reflétant sur les pavés mouillés de la petite rue pietonne. Emilie inspire une grande bouffée d'air frais, elle a l'impression étrange de sortir d'un rêve. La lumière l'éblouit, les bruits clairs des gouttes d'eau tombant des gouttières sur les flaques au sol, le chant des oiseaux, le bruit lointain des voitures la ramènent à la réalité. Apaisée, elle se dirige vers la maison où l'attend certainement sa maman pour le souper, pendant que derrière elle, tout ce qu'on aperçoit de la boutique où elle a trouvé ses trésors, est la porte grillagée d'une librairie abandonnée depuis bien longtemps.

Dans la boutique, Ezaël regarde le vieil homme qui lui adresse un clin d'oeil complice avec un léger sourire avant de s'en retourner à sa pipe, derrière son comptoire poussiéreux. Le petit homme ailé est content de lui. Maintenant, grâce à la pierre, il pourra communiquer avec la jeune Emilie, et lui expliquer ce que son peuple attend d'elle. Par une petite porte en bois couverte de mousse cachée derrière un vieux fauteuil en velours, il s'en retourne dans sa forêt aimée, un sourire satisfait aux lèvres. 

4 octobre 2013

Un jour sombre

Il n'y a plus d'espoir. Les coeurs sont lourds, les yeux gonflés de larmes. Un étau serre les frêles poitrines, les ailes sont en berne. Aucune malice sur les visages, tous graves. Un silence de plomb règne. Même le vent s'est tu, aucun oiseau ne chante, la plupart des animaux ont déserté le lieu, par besoin de fuir l'ambiance oppressante, ou par respect pour la douleur des fées. Une épreuve les terrasse. La perte d'un être cher.

Elles sont toutes en rond, les mignonnes. Elles se tiennent la main, comme pour se raccrocher à quelque chose de tangible, pour ne pas sombrer complètement dans le désespoir. Les fées sont des êtres immortels. Elles ne vieillissent pas. Ne tombent pas malades. Même si ce sont des êtres gourmands, elles n'ont pas besoin de manger pour vivre. Elles ne craignent ni le froid ni le chaud. Le feu ne les brûle pas, la glace ne les saisit pas. Si elles tombent, elles se relèvent toujours, sans blessure. Elles ne meurent jamais. Sauf si on les tue.

Mais qui voudrait tuer une fée ? Qui, puisque personne ne peut, ne veut les voir ? Pourtant, au centre du petit cercle c'est bien une fée sans vie qui repose sur le sol. Ses compagnes sont sonnées. Aucune d'entre elles n'a jamais vu mourir l'une des leur. Elles ne savent que faire, que dire. Elles sont sous le choc.

Soudain, toutes tournent la tête dans la même direction, attirées par un bruit étrange, une sorte de musique très douce, un tintement clair, comme une cloche de cristal. Surgit de nulle part, un vieux personnage, mesurant presque le double des minuscules fées, s'approche lentement du petit groupe, le visage grave. Il porte une longue barbe gris argentée, et est vêtu d'une longue robe vert émeraude. Des chuchotements s'élèvent du groupe. Deux mains se dénouent, rompant le cercle fait autour du petit cadavre. Le vieil homme s'approche encore, et s'agenouille au dessus de la délicate fée aux yeux fermés, qu'on pourrait croire endormie. Sans un mot, il se met à souffler doucement sur elle. Il se passe alors un phénomène étrange. De minuscules étoiles s'élèvent en tourbillonnant lentement, venant du petit corps, qui s'efface peu à peu, transformé en poussière d'étoile luminescente. Une légère brise se met alors à souffler, dispersant les cendres tout autour des fées abasourdies. Bientôt, il ne reste plus rien de leur amie, qu'un peu de poussière tournoyant dans les rares rayons de soleil.

Le vieil homme se redresse, et se tourne vers les fées rassemblées les unes contre les autres, et prend la parole, d'une voie grave et forte : 

- "Ce qui a eu lieu aujourd'hui est un drame insupportable." Quelques sanglots se font entendre parmi la petite assemblée. "C'est aussi le signal que j'aurais voulu ne jamais avoir. La guère est déclarée, bien plus tôt que je ne m'y attendais. Ce crime épouvantable ouvre une ère nouvelle, une ère sombre. Maintenant mes amis, j'ai besoin de vous, de vous tous, dans un combat qui s'annonce long et difficile. Les hommes ont perdu la tête, et nous devons tout mettre en oeuvre pour qu'ils ne détruisent pas complètement notre planète bien-aimée." Un murmure étonné et inquiet se fait entendre parmi le petit rassemblement. Le vieil homme poursuit : "Ezaël a déjà trouvé une faille pour avancer dans notre lutte contre cet ennemi invisible." D'une main, il invite un petit homme d'allure juvénile à s'expliquer. Ezaël avance d'un pas, le visage marqué par la peine, et prend la parole, d'une voix forte mais légèrement tremblante : "j'ai trouvé la Clé, et la Porte." Quelques exclamations de surprise s'échappent. "Ce n'est pas tout, poursuit Ezaël. Je crois aussi avoir trouvé qui peut franchir la porte. Il s'agit d'une enfant. Elle s'appelle Emilie, et a vu l'Arbre. Elle est entrée dans notre monde, grâce à la Clé. Elle l'a regardé avec son coeur."

Cette fois-ci les fées s'agitent, quelques voix s'élèvent, dans un brouhaha. "Comment as-tu fait ? Peux-tu le refaire ? Que se passe-t-il vraiment ? Comment combattre un ennemi que nous ne connaissons pas ? Nous devons en savoir plus ! Que devons-nous faire ? L'une des nôtres est morte ! Nous devons agir !" Ces nouvelles surprenantes ont ramené un peu de combativité dans le coeur des fées. Elles sont indignées après ce qui est arrivée à leur petite compagne. Le vieil homme reprend la parole en élevant encore la voix pour ramener le calme, pendant qu'Ezaël reprend sa place dans le groupe. "Mes amis, ne nous précipitons pas. La colère est mauvaise conseillère. Il n'est pas encore l'heure de combattre, nous manquons de préparation. Je vous propose de retourner à vos occupations, pendant qu'avec le Conseil, nous décidons de la marche à suivre. La stupeur s'empare de la petite cohorte. Attendre ? Faire comme si rien n'avait changé ? Impossible ! D'une voix calme, le Sage apaise ses ouailles. Il parvient en peu de mots à leur faire entendre raison, et après avoir promis qu'il reviendrait très bientôt leur en dire plus, il s'éloigne avant de disparaître par enchantement, dans le même son étincelant qu'à son arrivée. Dans la petite troupe le silence est revenu, chacun ressassant les derniers instants qu'ils viennent de vivre, et se remémorant leur petite camarade à qui on a ôté la vie. Au bout de quelques minutes, une fée parle : "nous devons continuer, comme le sage nous l'a dit". Chacun sait ce qu'elle a voulu dire, et approuve d'un hochement de tête. Une par une, les fées s'envolent dans des directions différentes et avec les paroles du Sage, dans les derniers rayons du coucher de soleil. L'automne a commencé, il faut maintenant préparer l'hiver.

12 septembre 2013

Au retour de l'école...

Emilie rentre de l'école sous une pluie fine et fraîche. Cette année, sa maman la laisse faire le trajet seule, et lui a remis un trousseau de clés, comportant la clé magnétique de la porte du hall d'entrée, et la clé de leur petit appartement du 2e étage. Emilie est fière de cette nouvelle responsabilité que lui a confiée sa maman, et elle prend bien soin de ne pas égarer le précieux trousseau, qu'elle a attaché au fond de sa poche grâce à un ingénieux système cousu par sa grand-mère. Elle le tient bien serré dans sa main également. Arrivée devant la porte d'entrée du petit immeuble modeste aux façades ternes, elle s'applique à détacher le trousseau du mousqueton qui le retient. Ses doigts sont légèrement engourdis par le froid et le trousseau lui échappe et tombe avec fracas sur le trottoir mouillé, juste en dessous du petit rebord formé par la contremarche de ciment à l'entrée. Emilie s'accroupit et, au moment de tendre la main pour récupérer sa petite clé métallique et brillante, elle aperçoit, au fond, une autre clé, bien plus grosse. Elle la ramasse en même temps que la sienne, et l'examine. Il s'agit d'une de ces clés anciennes, immense et lourde. Elle est finement ouvragée, une inscription semble gravée dessus, dans un alphabet que la fillette ne connait pas, elle ne parvient pas à la déchiffrer. La clé est tiède, dans sa main. Elle est ternie par le temps et l'usure, et pourtant elle semble briller. Emilie fronce les sourcils. Elle n'avait jamais vu ça auparavant. Elle décide de la glisser dans sa poche pour la montrer à sa maman, ou peut-être à son institutrice. Elle sait tellement de choses, Madame Elsa, elle saura sûrement déchiffrer les mots écrits sur la clé.

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Ravie de sa trouvaille, Emilie approche la clé magnétique de la serrure, et découvre avec surprise, qu'une autre serrure est apparue juste en dessous. Son aspect lui rappelle celui de la clé qu'elle vient de trouver au sol. Emilie ne se pose guère plus de questions, et ressort la lourde clé de sa poche. Son idée est juste, la clé entre parfaitement dans la serrure nouvellement apparue. Après une légère hésitation, la fillette tourne la clé jusqu'à entendre le bruit caractéristique d'une clenche qui se déverrouille. Il se passe alors un phénomène curieux. La petite porte en fer grise et rouillée change d'apparence. Elle grandit, grossit, change de couleur, tout cela sans un bruit et surtout sans que personne alentours ne remarque rien. Les gens continuent de marcher sur le trottoir, tête baissée, les yeux rivés au sol, un parapluie fermement tenu à la main, et au pas de course. Les voitures continuent de circuler sur la chaussée, au rythme du feu tricolore qui marque la fin de la rue où habitent la fillette et sa maman. Emilie se trouve à présent devant une immense porte en chêne sombre, et la poignée en aluminium a fait place à une poignée ronde en bronze finement ouvragé elle aussi, dans un style identique à celui de la clé et de la serrure. Emilie est un peu plus hésitante. Doit-elle franchir cette porte inconnue ? Oh et puis finalement, elle est chez elle, non ? C'est l'immeuble où elle vit ! Elle prend une profonde inspiration, pose délicatement les doigts sur la poignée, tiède elle aussi, avant de la tourner, et de pousser la lourde porte, qui s'ouvre dans un grincement sinistre. Qu'importe, Emilie n'a pas peur. Elle pénètre dans un hall d'entrée minuscule, sombre et poussiéreux. Comment une aussi grande porte peut-elle cacher une aussi petite entrée ? La lumière fade qui éclaire la pièce aux dimensions réduites semble venir de nulle part. L'endroit est triste et froid. Il n'y a aucune autre porte que celle de l'entrée qui s'est refermée derrière Emilie, avec le même grincement qu'à son ouverture. Seul un escalier étroit, sur la gauche, lui permet de quitter le hall d'entrée. Emilie se décide donc à l'emprunter. Chacune des marches de bois craque sous ses pas pourtant légers. Quelques araignées dérangées dans le tissage de leur toile fuient à l'approche de la fillette, qui arrive très vite au pallier du premier étage. Il n'y a qu'une porte, entrouverte. La jeune fille entre dans un appartement complètement vide, aux murs nus et aux fenêtres tellement sales qu'elles en sont aveugles. La même lumière fade que dans le hall d'entrée éclaire les lieux, Emilie en fait rapidement le tour, il n'y a rien d'intéressant. Elle ressort donc et reprend son ascension vers l'étage supérieur par le même escalier qui craque, comme s'il se plaignait de cette visite intrusive.

Sur le second pallier, là encore il n'y a qu'une porte, fermée cette fois. Emilie tourne la clenche, la porte n'est pas verrouillée et la fillette la pousse doucement, pour découvrir un spectacle époustouflant. L'appartement est immense. On le croirait éclairé directement par le soleil, tellement les pièces sont lumineuses. Mais, plus que la lumière, c'est la végétation qui éblouit Emilie. Sur le parquet parfaitement ciré, quelques touffes d'herbes poussent ici et là, entre les lattes. Des plantes en pots ont débordé et se sont étalées partout. Des vignes, du lierre, du chèvrefeuille, du liseron partent à l'assaut des murs d'un blanc éclatant ; des fougères ont colonisé une partie du salon, mais surtout un arbre immense et majestueux occupe le centre de l'appartement. Au dessus de lui, le plafond est ouvert pour laisser passer ses branches chargées d'un feuillage frémissant, colonisées par des oiseaux chanteurs. Un escalier tourne autour de son tronc vers le sommet, mais une petite barrière, avec un simple panneau "Interdit" en empêche l'accès. Respectueuse, Emilie n'enfreint pas l'interdiction et contourne le tronc imposant. Elle n'en croit pas ses yeux, partout où elle regarde, elle y voit une source d'émerveillement. Des fleurs au parfum frais et discret, et aux couleurs éclatantes, des papillons chatoyants, des oiseaux multicolores aux chants mélodieux... Chaque pièce lui réserve de nouvelles surprises. Dans la cuisine, elle découvre une fontaine en marbre d'où jaillit une eau claire et fraîche, à laquelle elle s'abreuve avec délice. Une jolie grenouille verte la regarde avec stupeur, avant de pousser un coassement sonore qui résonne entre les murs, et de sauter d'un seul bond, dans une petite mare créée par un enfoncement du carrelage en damier noir et blanc. Emilie poursuit sa visite dans les chambres, où des matelas de mousse d'un vert sombre et épaisse appellent au repos. Un hibou est perché sur le rebord d'une fenêtre et ouvre mollement un oeil indifférent au passage de la fillette qui continue sa visite, et dont l'étonnement et le plaisir se lisent sur le visage. Elle ne sait plus si elle est dedans ou dehors. Tout se mêle, les murs sont faits de béton et de barrières végétales, les sols sont en parquet ou en gravillons, en carrelage ou en humus, le plafond est fait de plâtre et de nuages ... Elle croit même sentir le souffle d'une brise légère sur son visage où s'accroche un sourire émerveillé. Il y a tellement à voir dans l'appartement qu'elle ne songe même pas à jeter un oeil par la fenêtre. Pour quoi faire ? Tout est tellement parfait ici !

Bientôt, elle a fait le tour du propriétaire et se retrouve devant la porte d'entrée. A contre-coeur, en songeant à sa maman qui l'attend, et qui s'inquiète probablement, elle quitte l'appartement, se promettant d'y revenir très vite. Sur le pallier, elle retrouve la poussière, la semi-obscurité, et le calme un peu lugubre. L'escalier a disparu. A la place, il y a une porte d'ascenseur qui s'ouvre dans un chuintement léger lorsque la fillette s'approche. Sitôt qu'elle entre dans la cabine, les portes se referment. Les parois sont parfaitement lisses, aucun bouton ne permet à Emilie de choisir sa destination. L'ascenseur se met en mouvement. Privée de repères, Emilie a du mal à sentir si elle monte ou elle descend. Rapidement, la cabine s'immobilise et la porte s'ouvre dans le même bourdonnement. En deux pas, Emilie est sortie de l'ascenseur, et découvre qu'elle est de retour dans le minuscule hall d'entrée. Sur sa droite, l'immense porte de chêne qui donne sur la rue est fermée. Emilie se dirige vers elle, pose la main sur la poignée de bronze, et se retourne pour regarder une dernière fois ce curieux hall. La porte de l'ascenseur a disparu. A la place, il y a un mur recouvert d'un vieux papier peint terni aux motifs floraux. Emilie tire la lourde porte, et retrouve la rue qu'elle connait si bien, sous la pluie fine. Les mêmes gens pressées et tristes marchent dans la rue, les mêmes voitures circulent, les mêmes pigeons sous le porche de l'immeuble en face picorent les miettes de pain jetées par une vieille dame. Il faut à Emilie quelques secondes pour retrouver ses esprits, après ce fabuleux voyage hors du temps, hors du monde. Elle fait quelques pas sur le trottoir. Elle a envie de crier aux passants qu'elle vient de visiter un endroit extraordinaire, elle voudrait le montrer à sa maman, à sa grand-mère, à Madame Elsa, à ses amis. Elle revient sur ses pas et se retrouve devant la petite porte grise de son immeuble aux façades ternes. L'immense porte de chêne a disparu. Perplexe, Emilie ouvre avec sa petite clé magnétique. Pendant qu'elle monte les escaliers larges et carrelés auxquelle elle est habituée, qu'elle connaît par coeur, éclairés par la lumière artificielle des néons, elle se demande si elle n'a pas rêvé toute cette histoire. Une porte qui se transforme en une autre, un appartement-clairière, un ascenseur qui apparaît et disparaît.... Finalement, elle gardera le secret sur ce qu'elle vient de vivre. Ce sera son jardin à elle, elle pourra s'y réfugier quand elle se disputera avec sa copine Marie, ou quand sa maman la grondera. Oui, c'est décidé, elle ne dira rien à personne ! Elle sait qu'elle aura l'occasion d'y retourner. De sa main gauche, elle sert très fort la clé de son petit paradis, cachée au fond de sa poche, un sourire accroché aux lèvres. 

Loin, très loin de là, à l'orée d'une forêt, Ezaël est fatigué, et doit se reposer. Il trouve, dans le creux d'un arbre, un nid abandonné par les oiseaux qui l'ont construit. Il s'y installe, replie ses ailes légères, et savoure quelques groseilles, qu'il a trempées dans le miel d'une ruche voisine. Il est satisfait et fier de lui. Il a enfin trouvé la Clé, et comment faire franchir la Porte à un humain. Il sait même à présent qui le fera. Cette fillette humaine a réussi une fois, elle réussira de nouveau, Ezaël en est sûr. Il a hâte d'annoncer la bonne nouvelle à son peuple, lors du Grand Rassemblement. Il ne doit rien dire avant. Il se passe des choses étranges en ce moment, la tâche des fées est rendue compliquée ces derniers temps par une force inconnue. Il espère que le Grand Rassemblement permettra de lever des voiles. Que les fées sauront enfin quel est l'ennemi à combattre. Un changement s'annonce, tous les habitants de Gaïa le sentent. Ezaël et Emilie s'endorment en même temps, rêvant tous deux de l'appartement enchanteur, de la Porte. 

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10 septembre 2013

Au cours d'un soir d'été...

Sur une branche, à peine 2 mètres au dessus du sol, la fée observe l'intrus qui a pénétré dans la forêt. C'est un enfant. Une petite fille, exactement. Elle a environ 2 ans, pas plus de 3 en tous cas. Elle mesure moins d'un mètre, et ses joues pâles sont sillonées par les larmes. Ses jolis cheveux roux et bouclés sont en bataille. Elle a oté son joli bandeau rose et le tient serré dans sa main. Elle pleure, la pauvre petite, elle s'est perdue. Elle se promenait avec son grand frère et son papa, elle a suivi un papillon. Son papa, pris par sa conversation téléphonique, ne s'est pas aperçu que la fillette ne suivait plus. Quand à son grand frère, il était loin devant avec son vélo, et il n'était pas de sa responsabilité de s'occuper d'elle. Elle a marché longtemps après le papillon, babillant un langage incompréhensible tant pour n'importe quel être humain, à par peut-être sa maman, que pour le lépidoptère qui se fichait d'ailleurs comme d'une guigne de l'enfant qui le suivait, tout occupé qu'il était à butiner les fleurs sauvages.

Oui, elle a beaucoup marché, la petite fille. Et quand le papillon a disparu de son champ de vision, envolé trop haut, elle s'est aperçue qu'elle avait faim. Qu'elle avait froid, aussi. Alors elle a fait demi-tour, en appelant son papa, qui ne répondait pas. Et elle a appelé sa maman aussi, même si elle savait que sa maman ne pouvait pas l'entendre, elle l'a appelée quand même, d'abord tout doucement, puis avec de plus en plus de force, et enfin avec tout le désespoir dont une petite fille perdue de 2 ans est capable. Personne ne l'a entendue. Enfin si, tous les animaux de la forêt l'ont entendue, et ils ont fuit, et se sont cachés. Seule la fée est restée, touchée par le chagrin de la fillette, et prise par son devoir de lui venir en aide. 

Heureusement, la petite fille est encore capable d'écouter son coeur, son "sixième sens", son instinct. A présent elle ne pleure plus. Sa douleur est bien au delà des larmes. Sa poitrine est oppressée par la peur et le chagrin. Elle n'a plus la force d'appeler. Elle se contente de marcher, trébuchant parfois sur une racine, une pierre, une branche... Elle ne sait pas où elle va, mais elle ne veut pas s'arrêter. La fée lui murmure alors des choses que personne d'autre qu'elle n'entend. Alors la petite fille se calme, s'apaise. Sous le commandement de la fée, elle change de direction, et se dirige vers un bosquet. Là, elle trouve des baies. De belles baies rouges, qu'elle s'empresse de manger. Les fruits sont juteux et étanchent sa soif. Leur saveur sucrée lui procure beaucoup de réconfort. La fée sait qu'elle ne pourra pas aider seule la fillette, elle fait donc appel à un renard qui passe non loin. Le renard est réticent, et la fée doit négocier finement et fermement avec lui pour qu'il accepte de prendre soin de l'enfant. Pendant ce temps, la petite s'est éloignée du bosquet et s'approche dangereusement d'un autre buisson, lui aussi pourvu de belles baies rouges. La fée s'affole, ses ailes s'agitent frénétiquement, elle tente de toutes les forces de son esprit de détourner l'attention de la fillette. Elle ne doit surtout pas manger ces baies-là ! La petite main dodue s'approche de l'appétissante grappe de baies tellement trompeuses, la fée ne parvient pas à établir un contact suffisamment fort pour l'empêcher d'agir. Le renard décide d'intervenir à contre-coeur. D'un jappement, il attire l'attention de l'enfant. Il a réussi. L'enfant se détourne du buisson aux fruits empoisonnés et s'approche de l'animal, qui recule jusqu'au bosquet précédent et se couche en boule. Il se laisse caresser, tirer les poils, les oreilles, les moustaches. Il a envie de la mordre, et de fuir, mais la fée l'en empêche, elle veille. La nuit est tombée depuis longtemps.Finalement, la fillette se couche elle aussi en boule contre le renard, et finit par s'endormir, d'un sommeil lourd et triste, entrecoupé de sanglots. La fée parvient à attirer l'attention d'un second renard, beaucoup moins réticent que le premier, qui viendra se coucher auprès de la fillette pour lui tenir chaud au cours de la nuit. En cette fin d'été, les nuits sont fraîches, et celle-ci pourrait bien être fatale à ce petit d'homme et son léger gilet de coton rose. A quelques kilomètres de là, le capitaine de la brigade explique aux parents anéantis que la nuit empêche la poursuite des recherches et qu'ils reprendront dès demain matin aux premières lueurs du jour. Il essaye de leur insuffler un peu d'optimisme, mais est bien conscient de ses limites. Les parents et le grand frère pleurent doucement l'enfant disparue.

Dès le lendemain matin, comme promis par le capitaine, une grande battue est organisée. Beaucoup de voisins, d'amis, et même des inconnus, touchés par l'histoire de la petite Elen disparue, se mettent à la tâche. Le groupe est en marche, ratissant la forêt et appelant la fillette par son prénom.

Non loin de là, la fée veille toujours sur sa protégée endormie. De timides rayons de soleil, filtrant à travers le feuillage allégé de la forêt, caressent sa joue en prenant soin de ne pas la réveiller. Les renards, eux bien réveillés et aux aguets, n'ont pas bougé. Leur objectif est de maintenir la petite au chaud. Elle a l'odeur de la peur et du chagrin, l'odeur d'un bébé en danger, ils s'y sont attachés. La fée est à présent sereine, elle sait qu'elle peut leur confier la petite quelques instants, le temps d'aller chercher une autre aide. Elle survole la troupe qui organise la battue, à la recherche d'une faille. Hélas, à première vue il n'y en a pas. Tous, hommes et femmes, ont fermé leur esprit et leur coeur aux voix des fées, et nul ne l'entend. A part peut-être cet adolescent, là. Robin, 15 ans, est mal dans sa peau. Rêveur, il n'a pas beaucoup d'amis. Mais il aime rendre service et s'est lancé à coprs perdu dans la battue, espérant retrouver la fillette, qu'il ne connait pas, saine et sauve. Alors qu'il suit scrupuleusement le groupe, fouillant sous chaque fougère, sous chaque fouillis végétal, derrière chaque arbre en appelant la petite Elen, soudain, comme poussé par une force invisible, par un ordre que lui souffle la fée au fond de son coeur, il se détache des autres et s'éloigne d'un pas décidé vers la gauche, négligeant de regarder partout, il avance, fermement, sans relâche. Les cris des autres sont de plus en plus lointains. Personne ne s'est aperçu qu'il ne suivait plus. Bientôt il les perd de vue mais il s'en fiche, il continue d'avancer vers un but connu de lui-seul, et encore, le connait-il seulement ?

La fée, satisfaite de l'avancée du sauveur qu'elle a choisi, l'abandonne quelques instants pour retrouver la fillette et les renards. Ces derniers n'ont pas bougé, la fillette dort toujours. Au loin, on entend les voix des chercheurs, étoufffées par la distance et les arbres. La fée informe les renards de l'arrivée d'un humain, ils doivent fuir. Les animaux se dégagent doucement, reniflent une dernière fois la fillette et s'en vont furtivement. Le froid de leur absence réveille la fillette. Elle est surprise et désappointée de se réveiller au milieu de la forêt, alors qu'elle rêvait qu'elle dormait dans le lit de son papa et sa maman, bien au chaud contre eux. Elle réalise lentement, se lève, observe autour d'elle et constate l'absence de visages connus, l'absence de visages tout court. Elle se remet à sangloter doucement. 

Pendant ce temps, Robin a ralenti sa marche. Il se demande pourquoi il est allé si loin seul, et dans cette direction. Il a envie de faire demi-tour, mais a peur du ridicule, il a peur que les autres pensent qu'il s'est perdu. En vérité personne ne s'est aperçu de son éloignement, et s'il revenait, personne ne le remarquerait non plus. On ne recherche pas ce grand adolescent un peu maigre et caché derrière ses lunettes, mais une fillette rousse perdue depuis plus de 10 heures dans la forêt. Alors Robin continue d'avancer, mais en y mettant moins de coeur. La fée n'est plus là pour le guider.

Soudain, il entend pleurer. Il s'immobilise, tend l'oreille, et cherche à localiser l'origine des sanglots. Il appelle doucement, puis de plus en plus fort, Elen. La petite entend son prénom, son coeur se met à battre plus fort, ses sanglots redoublent d'intensité. C'est encore un bébé, les pleurs sont les seuls moyens qu'elle a de se défendre, d'appeler à l'aide. Son instinct (et la fée n'y est sûrement pas étrangère) la pousse à pleurer plus fort encore. L'adolescent se rapproche du bosquet, il accélère le rythme, il court, presque ! Et enfin, il arrive à hauteur de la petite fille. Dans une impulsion, il la prend dans ses bras et la serre très fort, en lui parlant doucement. la petite sanglote toujours, mais moins fort. Elle est heureuse. Mais pas autant que Robin, que le soulagement et la joie ont envahi. Il se met à crier "je l'ai trouvée ! Je l'ai trouvée !" Il se précipite vers le groupe, toujours en criant, et en courant. Il protège de ses bras le petit corp frigorifié de la fillette, pour lui éviter le fouet des branchages pendant qu'il court. Il n'a qu'une envie, remettre la fillette dans les bras de ses parents. La fée le suit de près, lui insufflant l'énergie dont il a besoin pour éviter les obstacles, pour se rapprocher toujours plus de son objectif. Les hommes de la battue commencent à comprendre le sens des paroles criées par le jeune homme. Un frémissement les parcourt. Un silence religieux s'installe, personne n'osant croire au miracle. Et puis, entre 2 arbres, enfin, ils voient enfin l'adolescent portant une petite masse aux cheveux roux. Quelques cris incrédules s'échappent. On tente de prévenir les parents, on les cherche dans la foule. Enfin, quelques hommes se détachent du groupe et vont à la rencontre de l'adolescent essouflé qui arrive parmi eux. Très vite, la fillette est au coeur de toutes les attentions, elle retrouve enfin ses parents. Robin est accueuilli en héros. La fée, satisfaite du devoir accompli, se repait du bonheur exalté, la fatigue des angoisses de la nuit disparait. Elle s'éloigne toujours aussi discrétement. Surtout, ne pas se faire remarquer. Elle doit faire son rapport à présent. Et écouter ce que les autres fées ont accompli cette nuit pour venir en aide à un être vivant. La forêt est grande, la tâche est ardue. Et puis, bientôt, il y aura le Grand Rassemblement. Il n'a lieu que très rarement. C'est un grand événement. On ne s'ennuie pas quand on est une fée.

L'histoire de la petite fille perdue dans la forêt et retrouvée miraculeusement saine et sauve au petit matin fera le tour des journaux locaux. Personne, pas même le jeune Robin, n'imagine un seul instant que la fillette doit sa survie à une fée, et deux renards qui lui ont tenu chaud et l'ont empêchée de manger les baies empoisonnées. Quant à la fillette, toute heureuse de retrouver son papa et sa maman, son frère et son foyer accueuillant, elle n'a pas encore assez de vocabulaire pour raconter. Et bientôt, dans quelques mois, elle sera comme la plupart des hommes : son coeur sera sourd et aveugle, et les fées ne seront pour elle comme pour le monde entier, que des personnages de contes pour enfants... 

Dans la forêt, au printemps suivant, au fond d'un terrier, 3 renardeaux dorment sur un bandeau à cheveux rose, portant encore, ténue, l'odeur d'une petite fille rousse au gilet rose, et des groseilles qu'elle a mangé ce soir où leur maman lui a tenu chaud.

 

 

10 septembre 2013

De justesse !

Un jardin en banlieue, à proximité de la forêt. Quelques plantes fleurissent dans la cour. Leur odeur est agréable, attirante. La fée s'approche d'une rose éclatante, au parfum suave et entêtant. A quelques centimètre, sur le rebord de la fenêtre, un chat, énorme, noir et blanc, profite des derniers rayons de soleil de cet été au climat océanique. Ses yeux sont mi-clos, son souffle est lent, calme. Il est parfaitement immobile. D'abord méfiante, la fée l'observe intensément. Après quelques secondes d'analyse, elle est sereine. Le chat a mangé, et n'a pas envie de jouer avec ce qu'il prend pour un curieux papillon, ou une libellule peut-être. A l'aide de battements rapides de ses ailes transparentes et irisées, provoquant un léger bourdonnement, elle ne cesse de voleter d'un pétale de rose à l'autre. Ses mouvements incessants fatiguent le chat. Vraiment, elle ne craint rien.

Tout est calme alentours. Une légère brise fait à peine frémir les feuilles et virevolter les cheveux blonds et fins de l'être surnaturel. La fée profite aussi du soleil. Au coeur de la forêt, où elle passe la majeure partie de son temps, il est filtré par la végétation dense. Elle savoure avec délectation le moment présent. Bientôt elle devra retourner auprès des siens, dans la fraîcheur obscure des profondeurs des bois voisins, à l'abri des hommes et de leurs forces destructrices. A l'abri de leurs nuisances mais avec le devoir de les protéger, comme c'est le devoir des fées de protéger tout être vivant, de faire respecter l'équilibre de Gaïa. La tâche devient de plus en plus ardue. Le peuple des fées a du mal à déterminer la source des complications qu'il rencontre ces derniers temps. Peu importe. Aujourd'hui, la fée a pris une liberté que chacune d'entre elles s'octroie rarement. Aujourd'hui n'est pas une journée comme les autres, et la fée s'enivre du parfum des fleurs, des rayons du soleil, de son affranchissement temporaire. Aujourd'hui, elle ne doit veiller sur personne. Aujourd'hui, elle n'est responsable de rien. Aujourd'hui, elle laisse les siens se battre seuls.

Soudain, un bruit alerte l'étrange demoiselle. C'est celui d'une portière de voiture qui se referme. Toute engluée dans son bonheur, la fée n'a pas entendu la voiture arriver. Le chat, si. Il a ouvert les yeux, ses moustaches ont frémi, il a vaguement agité la queue. Mais plus que le désir de rejoindre sa maîtresse pour se frotter à elle et réclamer les caresses dont il a été privé toute la journée, il est intrigué par l'immobilité soudaine de la fée. Intrigué et excité. Il sait que sa victime potentielle est saisie par la peur et que la surprise l'empêche de réagir vite. Heureusement, la fée a perçu le changement d'état d'esprit du félin. Elle tente de prendre le contrôle de l'animal, en vain. Le chat domestique est devenu aussi impossible à diriger que les hommes qui l'ont adopté. Elle n'a d'autre solution que de s'envoler rapidement vers la forêt. De toutes façons, le soleil touche presque l'horizon, il est temps pour elle de regagner la forêt, de rejoindre les siens. Le chat semble déçu, et regrette de ne pas avoir tenté sa chance plus tôt avec ce curieux insecte remuant. Qu'importe. Il baille, s'étire, et se lève avant de se diriger avec nonchalance vers la porte d'entrée en miaulant, réclamant son dû : des croquettes savoureuses et faciles à chasser, et des caresses, encore des caresses. Ce soir, il se couchera en boule sur le canapé, et rêvera qu'il chasse un curieux papillon aux ailes diaphanes et au corps de femme. Pendant ce temps, la fée repensera à ces doux moments qu'elle ne pourra pas revivre de sitôt, tout en se battant contre des forces obsures et invisibles.

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Mag A l'histoire vraie
  • Des contes... Sans queue ni tête, ces récits nés de mon imagination, entre éveil et sommeil, quand on ne contrôle plus le fil de nos pensées, mais qu'il ne s'agit pas encore tout à fait de rêves...
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